Rencontre avec Rona Nishliu

le blog

par Farouk VALLETTE
le 24.05.12 à 20:10

Rencontre avec Rona Nishliu

Nous avions rendez-vous avec Rona Nishliu, la représentante de l’Albanie, cet après-midi à 15h. Quand nous sommes arrivés, Fabrice et moi, elle terminait une interview vidéo pour une télévision de son pays. Nous avons rencontré une jeune femme douce,sensible et généreuse.

Eurofans.fr : Félicitations pour votre magnifique performance, mardi soir et votre qualification. Et merci de nous accorder quelques minutes.

Rona Nishliu : Merci beaucoup de me donner l’opportunité d’être plus proche des français qui aiment l’Eurovision, et qui aiment ma chanson.

Comment avez-vous vécu cette soirée de mardi et votre qualification ?

Ma performance était particulière, très émouvante pour moi. Car malheureusement, quelques heures avant, un drame a secoué notre pays. Treize jeunes étudiants qui partaient en vacances ont perdu la vie dans un accident de la route. C’est une des premières fois où je me sentais si émue sur scène. Ce n’était pas à cause de l’audience ou de l’ambiance de la salle, car vous savez, pendant les répétitions, je me sentais très bien, et assez sure de moi. Mais cet événement a eu un gros impact sur moi et m’a donné encore plus envie de partager mon émotion avec tous ceux qui m’écoutaient. Ce furent trois minutes magiques.

A l’Eurovision, les chansons sont souvent interprétées en anglais. Pourquoi avoir gardé l’albanais pour votre performance ?

Il n’y a pas de raison spécifique. Quand vous êtes dans un processus de création artistique, quand on écrit une chanson, si vous pensez à une langue quand vous la composez c’est avec cette langue que vous devez l’interpréter. Si vous faites la musique, les voix, les paroles et la mélodie avec cette langue, ce sera toujours meilleur si l’interprétation reste dans cette langue, ça sera plus puissant. Cette chanson a été pensée en albanais, et je pense que ça n’est pas un problème car la musique et l’interprétation dépassent les frontières et les pays. La musique est un moyen magique pour m‘exprimer. Et pour moi c’est une chance de partager mes sensations et mon histoire avec des milliers de personnes dans la salle et avec des millions de téléspectateurs dans le monde.

Votre style est très rare à l’Eurovision…

Vraiment ?

Vous percevez cela comme une chance de vous démarquer ou, au contraire, est-ce un risque pour vous ?

Mon style est juste l’expression de ce que je ressens. Votre corps et votre apparence physique parlent beaucoup et, avec eux, vous pouvez dire beaucoup de choses. Je veux pouvoir parler de ce que je ressens et je fais très attention aux détails. Je n’ai pas l’intention d’être différente, d’être inhabituelle. Et je ne pense pas en termes de compétition.

Votre clip est absolument sublime. Pouvez-vous nous en parler un peu. Le tournage, le message…

Le concept minimaliste de ce clip n’a pas été pensé pour porter un message. On a choisi des symboles qui évoquent l’interprétation de la vie et son absurdité, mais ce que nous voulions, c’est que chacun se fasse sa propre interprétation, sans que nous ayons à donner nous-mêmes une réponse.

Quel est votre univers musical ? Quels sont les artistes et les musiques que vous appréciez ?

J’apprécie beaucoup cette question. En effet, j’ai eu la chance de donner beaucoup d’interviews et on me demande souvent comment je me définis et comment je spécifie non style musical. J’ai du mal à répondre, car mon style est un océan d’émotions que je ne peux définir. J’écoute beaucoup de musiques, musique classique, musique traditionnelle de différents pays, jazz, musique avant-gardiste et expérimentale, pop, musique électronique ou encore rock and roll. Je n’écoute pas forcément ce que les gens apprécient sur le moment. Les artistes qui ont eu un impact sur moi sont des gens comme Janis Joplin, Pink Floyd, Jimmy Endrix, et David Bowie, mais aussi des compositeurs classiques comme Bach et Chopin, ou encore John Cage compositeur de musique contemporaine expérimentale.

Comptez-vous venir prochainement en France ?

Ce serait une grande chose. Je ne suis jamais venue en France et j’aimerais beaucoup m’y rendre. En avril dernier, un groupe français de musique expérimentale est venu à Tirana (il s’agit d’Eric Garnier et de son groupe). On s’est rencontré à un show télé où on a fait une « jam session », et ils m’ont invité à collaborer avec eux. Je serais très heureuse que cela se concrétise. Ce serait une chance de travailler avec eux car ce sont des artistes fantastiques.

Souhaitez-vous participer une seconde fois à l’Eurovision ?

C’était une expérience fantastique de vivre cet Eurovision. C’est l’une des plus grandes expériences que j’ai eues. Mais il y a tant d’artistes albanais qui souhaitent aussi participer. J’estime que chacun doit avoir cette chance, donc je ne pense pas que je le referais. Mais il ne faut jamais dire jamais, donc pourquoi pas. Mais pas tout de suite. J’aimerais que l’Eurovision ait lieu deux fois par an pour qu’encore plus d’artistes puissent participer ! Il y a un besoin pour l’Albanie d’aller au-delà de ses frontières, pour faire connaitre ses créateurs et les partager avec d’autres artistes d’autres pays.

Et pour un autre pays ?

C’est vrai qu’il y a, à l’Eurovision, une grande diversité, avec un compositeur et un chanteur de pays différents chantant pour un autre pays. C’est quelque chose de fantastique, ces échanges, alors pourquoi pas ? Ce serait très intéressant et je suis ouverte à un projet de ce type, comme personne et comme artiste.

Que pouvez-vous nous dire de vos rencontres avec les autres participants. Avez-vous rencontré Anggun ?

Ce fut très intéressant de rencontrer des artistes venant des quatre coins de l’Europe et de parler avec eux. Rencontrer des gens, comprendre leurs préférences, leurs passions, leurs rêves, c’est quelque chose qui me plaît et me motive pour poursuivre mon chemin. C’est très important d’échanger. Et l’Eurovision est une fantastique occasion pour le faire. J’ai effectivement rencontré Anggun. On était dans des loges voisines pour nous préparer à monter sur la scène à Amsterdam avec Pastora Soler, et j’étais très heureuse de pouvoir passer un moment avec elles et discuter. Et ce sont de grandes artistes avec une carrière impressionnante, comparée à la mienne. J’ai rencontré aussi le représentant turc, les hongrois et  les roumains.

Avez-vous entendu les clameurs enthousiastes de la salle pendant que vous étiez sur la scène ?

Pendant ma chanson,  j’étais très concentrée et nous avons des oreillettes pour le retour du son. Donc je ne percevais pas ce qui se passait dans la salle. Je ne m’en suis rendue compte qu’à la fin de la chanson et sur le chemin du green room. Ça m’a fait très plaisir.

Que se passerait-il si vous gagniez ?

Tout ce qui s’est passé est déjà fantastique. Je suis déjà fière d’avoir emmené mon pays en finale et aussi comblée pour tous mes fans en Europe. Tout ceci me rend déjà très heureuse. Mais vous savez, il y a des choses spirituelles plus importantes que ce qui est mesurable comme le rang ou les points. Tout ce qui arrivera sera une bonne surprise. Et qui sait ? Mais je ne calcule pas.

Avec Rona nous avons ensuite discuté de choses et d’autres. Elle est triste que la Finlandaise Pernilla et les Suisses de Sinplus ne se soient pas qualifiés. Elle aime aussi beaucoup la chanson israélienne. Elle a eu un emploi du temps très chargé qui ne lui a pas permis de visiter Bakou.