cocoricovision #101

cocoricovision #101

Consulter un extrait du magazine cocoricovision #101

(les membres du club peuvent se connecter pour télécharger la version itégrale)

Il fut un temps, au retour de son Eurovision, l’eurofan entrait pendant un bon mois en « Post Eurovision Depression », communément appelée PED, une période de mélancolie doublée d’une nostalgie intense des deux semaines qu’il venait de vivre dans la ville hôte du Concours. Ces dernières années, progressi-vement, la PED a disparu. Ainsi, dès mon arrivée Gare de Lyon, j’ai illico refermé la parenthèse de l’Eurovision suisse et je suis passé complètement à autre chose. L’Eurovision coûtant d’année en année de plus en plus cher, et l’hébergement sur Bâle ayant atteint des chiffres indécents pour celui qui, comme moi, avait renoncé à choisir un hôtel ou un appartement en France ou en Allemagne, j’avais d’abord envie d’oublier la fortune dépensée sur place. Même pour mes amis Suisses, croisés par hasard un soir à quelques mètres de l’Euroclub, se loger sur la ville à un tarif raisonnable s’est avéré impossible et c’est en Allemagne qu’ils ont posé leurs valises. Vous me direz que les transports ont plutôt bien fonctionné. Certes, mais il n’y a pas eu de moyens supplémentaires déployés. Attendre après la finale pendant presque une heure un malheureux tramway qui s’est retrouvé, sitôt entré dans la station qui jouxte la St. Jakobshalle, aussi bondé qu’un RER B à l’heure de pointe, n’a rien fait pour garnir mon panier souvenirs heureux. Le centre de presse était tristounet et le plus petit que j’ai jamais connu. La communication y est désormais réduite à néant. Il n’est plus possible d’y interviewer les artistes. Finies les conférences de presse. Le point presse quotidien a été expédié, les journalistes ayant dès le premier jour posé des questions légitimes mais dérangeantes. Plus de conférence de presse des qualifiés non plus. Seul point positif pour moi, une équipe a été affectée à l’accompagnement des photographes. Cela m’a permis de réaliser de jolis clichés au cours de quelques live shows, y compris le soir de la finale, afin de garnir comme il se doit ce numéro 101 de Cocoricovision. Mes meilleurs moments se sont produits par le plus grand des hasards. Sans l’avoir voulu, je me suis retrouvé dans un hôtel qui hébergeait une dizaine de délégations, dont neuf ont franchi le cap des demi-finales. J’ai pu ainsi vivre de l’intérieur le bonheur des artistes et de leur entourage peu après leur qualification. Pour les Portugais, flanqués de leur petite amie et de papa et maman, c’est comme s’ils avaient remporté le Concours. Les Luxembourgeois comme les Arméniens étaient également très heureux, tellement ils avaient craint de ne pas franchir l’obstacle. Mardi soir comme jeudi soir, ce fut la fête jusqu’à pas d’heure dans une ambiance de grande félicité. Seul bémol, la détresse du Tchèque ADONXS, le seul à n’avoir pas obtenu son ticket pour la grande finale du samedi. L’autre bon souvenir, le rendez-vous entre Louane et les eurofans français, s’est déroulé jeudi 15 mai devant l’hôtel où la délégation française avait pris ses quartiers. L’artiste simple et généreuse que nous avions accueillie aux previews est restée au milieu de nous une petite heure et s’est prêtée avec patience au jeu des photos. Chaque eurofan a eu la sienne et a reçu en cadeau un CD et un sablier, petit clin d’œil à la scénographie de sa prestation. Il faut dire que cette année on y croyait. C’est peut-être l’année où nous avions le plus le sentiment que c’était possible, que la victoire était à portée de main. Même moi, qui au départ était dubitatif quant à nos chances de gagner, je me suis laissé emporter par cette vague d’optimisme. Les planètes semblaient s’être alignées. Il n’y avait pas de favori évident. Par son sujet comme par sa musicalité et sa scénographie, la chanson de Louane semblait être en mesure de séduire le public européen comme les jurys. Et enfin, pour une fois, la production nous avait positionnés à une 24ème place très avantageuse en finale. Alors oui, la sixième victoire nous tendait les bras. Si le vote des jurys nous permettait d’entretenir encore un faible espoir, celui du public fut un choc. Comment Louane a-t-elle pu recevoir si peu de points au télévote, 50, autant que La Zarra en 2023 ? Il a fallu admettre que le message que portait notre représentante, tout émotion, n’est pas passé auprès du public. Nous sommes ainsi rentrés à Paris, avec dans la besace une bien décevante 7ème place, mais pendant quelques jours nous avions vécu dans l’espoir d’une victoire et rien que pour ça, merci Louane et merci France Télévisions. Merci également à l’Autrichien , qui en l’emportant, nous a évité une victoire israélienne qui se serait avérée calamiteuse pour notre concours préféré. Bravo à l’Estonien Tommy Cash. Je n’étais pas fan de sa chanson (en italien on ne dit pas « Por favore » mais « Per favore » bon sang !) mais sa prestation m’a amusé, même si dans la catégorie “chansons rigolotes”, “, j’avais une nette préférence pour le trio suédois KAJ. Après Cornelia Jakobs et Loreen c’est la troisième fois en quatre ans que le pourfendeur de la Suède que je suis craque pour la chanson suédoise. Je passe doucement mais sûrement du côté obscur de la Force… Cette année, mon chouchou était le Néerlandais Claude, artiste solaire et authentique, qui m’a beaucoup touché et dont je ressens la 12eme place qu’il a obtenue comme une terrible injustice. Bâle 2025 est désormais derrière nous, et à part deux ou trois chansons qui intégreront pendant quelques années les playlists des soirées dansantes Eurovision, son souvenir va s’estomper doucement mais sûrement. Cette année, aucune chanson ne semble avoir provoqué de coup de cœur, que ce soit chez les eurofans ou chez les téléspectateurs. Ce concours suisse devrait s’ajouter à la liste des concours oubliables et oubliés, sauf peut-être son désopilant interval act « Made in Switzerland ». Espérons que Vienne 2026 redonnera un peu d’énergie et de dynamisme à un Concours Eurovision qui depuis deux ans s’étiole doucement.

 

Farouk Vallette