Royaume-Uni

En ouverture de Concours pour la première fois depuis 1976, et l’une de ses plus brillantes victoires, le Royaume-Uni s’offre cette année une de ses plus brillantes gamelles, en misant sur un interprète qui fut connu un peu partout dans les années 60 et 70, et qui ferait passer Lale Andersen (56 ans en 1961) et Willeke Alberti (49 ans en 1994) pour des jouvencelles à peine déniaisées : Engelbert Humperdinck, 78 ans aux prunes, qui débute le Concours « tel un mannequin de cire de Madame Tussaud » à en croire Jeff Favreau.

Ce dernier, lifté de frais et moumoutte neuve au vent, je parle d’Engelbert, pas de Jeff, bien entendu, défendait « Love will set you free », une bluette ronronnante à la modernité toute relative qui n’est pas la tasse de thé (russe, of course) de Patrick Pecquery. Une prétendue modernité qui n’a guère convaincu les dix-sept eurofans qui ont osé un commentaire sur la prestation anglaise.

« Ce n’est pas démodé, mais tout simplement hors du temps » prévient Alain Fontan, prêt à parer au commentaire lapidaire mais clair de Sylvie Sebestyén, un « nul » qui laisse peu de place au doute ; tandis que Patrick Nadolski apprécie une « superbe chanson à écouter plusieurs fois » (parce qu’on s’endort avant la fin ?), et Patrice Di Giacomo goûte une « belle chanson » interprétée par « un monsieur trop fatigué ». C’est le moins qu’on puisse dire !

Effectivement, on a connu plus fringuant et plus frais qu’Engelbert… Même Davor, le frétillant bosniaque de 1995, fait figure de « jack-in-the-box » vis-à-vis de l’anglais, prêt à se liquéfier sur place… Si, aux yeux de Cyril Costesèque, il est « sobre, élégant, professionnel », il faut bien reconnaître avec Anthony Ragot que le british est un « chef d’œuvre en péril », « un monsieur « tiré » à quatre épingles » à en croire Thierry Bargelli, dont le « zénith est bien dépassé » comme le remarque Francisco Roncero. Dans tous les sens du terme…Pourtant, Pauline Halimi ne le voit « ni croulant, ni démodé », elle est « sûre qu’il va se relever ». Oui, mais avec l’aide d’un palan…

Acide, Charles-Olivier Pons se demande si les anglais sont « passés à la retraite à 78 ans », tant il a cru que « c’était le fiancé de Jeanne Calment qui chantait » ; impression confirmée par Kevin van Houter qui le juge « simplement trop vieux pour ça ». Pour être fiancé à Jeanne Calment ?

Plus modéré, Christophe Guillaumond estime que « sans vouloir faire du jeunisme à tout prix, on ne peut qu’être déçu par la prestation de ce chanteur. La voix n’y est pas, les couacs sont nombreux » ; alors que Didier Paulic, ne l’entendant pas de cette oreille, trouve que « le timbre de voix du monsieur ressemble à celui de Neil Diamond ». Y’a du rendez-vous chez l’oto-rhino qui se prépare pour l’un des deux…

En fait, Engelbert Humperdinck, dont on peut raisonnablement se demander ce qu’il est venu chercher au Concours si ce n’est une déculottée puisque désormais, « le Royaume-Uni comme la France semblent systématiquement les mal aimés du Concours » comme le remarque Alain Mailfert, suscite des sentiments contradictoires et opposés ; à l’image de Jean-Charles Prioux qui le juge « tellement dépassé, presque pathétique, et pourtant éminemment respectable et gentil » (manquerait plus qu’il morde, tiens !).

Est-ce pathétique de chanter à presque quatre-vingt ans que l’amour va venir vous libérer ? Mandela est bien sorti de prison à 72 ans… alors, l’espoir fait vivre et l’amour libère !