cocoricovision #93

Le 11 décembre 2022, en direct du Karen Demirchyan complex de Yerevan en Arménie, la France remporte l’Eurovision Junior pour seconde fois. Si la victoire de Valentina en 2020 avec le délicieux « J’imagine » n’était pas une surprise, tant la prestation de la jeune Bretonne était de l’avis général très au-dessus des autres, celle de Lissandro avec le percutant et très rock « Oh Maman ! » était inattendue. Certes, nous avions tous convenu que le jeune Lorrain possédait un talent incontestable et que vocalement il tenait la route. On espérait un Top 10, voire un Top 5, mais cette année la concurrence était redoutable. Royaume-Uni, Arménie, Pays-Bas ou Espagne tenaient la corde chez les bookmakers, et la France ne figurait même pas dans le Top 10 des parieurs !
 
Et puis Lissandro est apparu. Enthousiaste, authentique, énergique, solaire. Son interprétation a éclipsé les autres et son final fut le point culminant d’une prestation réussie de bout en bout. Les premiers « 12 points » reçus ont confirmé qu’il s’était passé quelque chose et à l’issue des votes des jurys la France s’est installée en tête du classement avec 132 points. Le public fut un peu plus partagé, puisque dans son classement six pays dont la France se tenaient en dix points. Mais avec les 71 points supplémentaires qu’il a attribués à Lissandro, c’est une seconde et très belle victoire pour notre pays.
 
Une victoire encore plus merveilleuse à vivre, car il n’y a rien de plus beau que de remporter un trophée quand on n’est pas favori. C’est la grande magie de l’Eurovision. Au cours des semaines qui précèdent l’évènement, la victoire semble se destiner à une poignée de favoris triés sur le volet par les bookmakers et puis pendant le show magie opère, renverse les tendances et c’est un lauréat imprévu qui soulève le trophée. Qui n’a pas ressenti une forte émotion quand l’Ukrainienne Jamala a remporté le Concours en 2016?
 
Depuis son grand retour au Concours Junior en 2018 le bilan de la France est exceptionnel : deux victoires, une deuxième place, une troisième place et une cinquième place, qui étonnamment fut le plus grand succès commercial des cinq. La délégation française a trouvé la recette pour obtenir de bons résultats au Junior et on espère qu’au cours des prochaines années nous continuerons sur cette lancée. Chez nous, à Nice, en novembre prochain, il sera important d’être à la hauteur.
 
Pour la team Eurovision-France, il faut trouver a recette pour réussir aussi bien au Concours des adultes. Là on devine que c’est plus compliqué. Cette année la sélection nationale à été mise de côté, France Télévisions ayant opté pour un choix en interne, celui de La Zarra, sur laquelle notre cheffe de délégation avait des vues depuis quelques années. C’est le choix assumé d’une artiste talentueuse et de son univers, mais aussi d’une artiste populaire. Qui n’a pas fredonné en 2021 le tube « Tu t’en iras » ? « On te veux toi » a dit Alexandra Redde-Amiel à La Zarra, lui faisant confiance pour proposer ensuite le titre adéquat pour défendre nos couleurs à Liverpool.
 
Il ne faut pas s’arrêter au « chic à la française » ou au style glamour de La Zarra. La chanteuse québécoise c’est d’abord une voix. Mais c’est aussi un talent à mélanger les styles. Il y a peu d’artistes qui sont capables de marier la variété d’Edith Piaf avec la musique urbaine de PNL. La Zarra l’a fait avec son fabuleux « À l’ammoniaque mon dieu (PNL × Piaf) ». Elle est une chanteuse de son temps, qui s’est enrichie musicalement par l’écoute d’un grand nombre d’artistes aux univers variés et qui va puiser çà et là des sons, les associer pour en faire quelque chose d’étonnant et de nouveau.
 
Que peut-on espérer à l’Eurovision cette année ? À un mois de la grande finale, les bookmakers nous placent aux portes du Top 10. Ce serait un bon résultat. Mais l’histoire récente nous prouve que rien n’est écrit à l’avance et que si la magie française opère le soir du 13 mai sur la scène du M&S Bank Arena de Liverpool, tous les espoirs sont permis. Évidemment!
 

Farouk Vallette