cocoricovision #92

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Lundi 9 mai, pour la première fois, la presse est autorisée à entrer dans la grande salle du Pala Olimpico afin d’assister à la première répétition générale, celle de la première demi-finale. C’est en position 6 que passe Kalush Orchestra. La prestation fut fabuleuse et remplie d’émotion, notamment grâce aux vocalises entonnées par le talentueux Tymofii Mouzy-tchouk. À partir de ce moment je n’avais plus de doutes : l’Ukraine allait remporter le Concours. Ce pronostic était à contre-courant de ceux de mes collègues journalistes. Sans doute aussi parce qu’ils ne la souhaitaient pas, ils croyaient de moins en moins à la victoire ukrainienne, pour-tant toujours annoncée par les bookmakers. Ils misaient sur le Royaume-Uni ou l’Espagne, pour laquelle l’engouement était de plus en plus fort dans le centre de presse où les apparitions de Chanel et de ses danseurs provoquaient l’exaltation.
 
Mon intuition fut confirmée le samedi 14 mai, puisque le public européen, touché comme moi par la magnifique prestation des Ukrainiens, a largement apporté ses suffrages à Kalush Orchestra, avec un nombre de points record au télévote. Les jurys ont été moins enthousiastes, mais j’avoue n’attendre plus rien de ces professionnels à deux balles, définitivement discrédités par leurs votes de connivence et leurs petits arrangements. Je pense qu’ils ne servent plus à rien et devraient être supprimés, leur incompétence et leur malhonnêteté ayant sauté aux yeux cette année.
 
Certes l’invasion de l’Ukraine par la Russie a certainement joué sur la mobilisation du public européen en faveur de « Stefania ». C’est parfaite-ment logique. Une victoire à l’Eurovision, c’est un mélange : chanson, musique, costumes, personnalité, mise en scène, visuels, émotions. Et c’est aussi un moment. Si l’on se remémore une des victoires emblématiques au Concours, celle de Conchita Wurst en 2015, aurait-elle pu se produire deux ou trois ans plus tôt ou plus tard ? Peut-être pas. Et c’est oublier que « Stefania » est une chanson magnifique, le mélange parfait entre le hip-hop et les musiques traditionnelles, un savoir-faire artistique ukrainien reconnu. Et puis qui n’a pas la chair de poule quand Tymofii Mouzytchouk et ses camarades entonnent le refrain ? Qui n’est pas touché quand l’ombre des six artistes se balançant se reflète sur le sol de la scène, ou quand l’image de deux mains apparait donnant l’impression de porter le groupe ? Les Ukrainiens ne se sont pas contentés de venir chanter leur chanson, ils ont travaillé leur prestation avec soin pour qu’elle fasse ce qu’on attend d’un gagnant à l’Eurovision : toucher le public au cœur.
 
Et le travail paie toujours. Le Royaume-Uni et l’Espagne nous l’ont également prouvé. J’ai d’ailleurs été impressionné par l’Espagnole Chanel dont toutes les prestations, que ce soit en répétition ou en live, ont été à chaque fois parfaites.
 
Je n’oublie pas non plus le magnifique cadeau que nous a offert la production avec l’interval act de Diodato, un autre grand moment d’émotion cette année. Pour moi « Fai rumore » était la meilleure chanson du Concours annulé en 2020 et cette prestation m’a convaincu qu’il aurait offert la victoire à l’Italie.
 
Je n’oublie pas la joyeuse performance des Moldaves Zdob și Zdub accompagnés des frères Advahov qui ont produit, pendant leur pas-sage sur écran, le spectacle incroyable d’un centre de presse transformé en une improbable farandole pendant trois minutes. Du jamais vu !
 
Et la France ? J’avais l’espoir d’un Top 10 en arrivant à Turin, et après les premières répétitions sur écran je restais convaincu par la prestation de nos quatre Bretons. Mais une fois révélée la liste des 25 finalistes, en jouant à qui sera classé devant nous, j’ai dû revoir mes espérances à la baisse. Nous avions plus de chances de nous retrouver en seconde moitié de tableau, vers la 15ème place, surtout après avoir tiré un ordre de passage en première partie. Et la production ne nous avait fait aucun cadeau en nous plaçant en position 6, juste avant la Norvège. Or, on sait bien qu’un passage dans le premier quart de la grande finale c’est comme se retrouver en première ligne à la guerre : on est considéré comme de la chair à canon, avec pratiquement aucune chance de s’en sortir. Et puis la cérémonie des points est arrivée. Elle fut cruelle. Avec seulement 17 points, nous avons fini à une très injuste avant-dernière place. Mais c’est hélas le triste sort des pays du Big 5. Avec une chanson qui sans être mauvaise, n’est pas non plus extraordinaire, sans ami, on termine dans le Bottom 5. L’Allemagne, comme nous, en a fait la triste expérience, puisqu’elle termine dernière.
 
Mais tout ceci n’est pas grave. Malgré ce résultat, l’aventure de la France à l’Eurovision 2022 fut belle. L’automne va permettre à France Télé-visions de travailler la prochaine. On se retrouvera probablement en janvier pour une nouvelle sélection nationale, dont on espère qu’elle contiendra le petit bijou qui nous fera revenir au Top en 2023.
 

Farouk Vallette