Albanie

Souvent la représentante de l’Albanie a été traitée d’albaniaise tant la chanson qu’elle défendait pouvait se révéler mièvre, ou auditivement douloureuse. Et quoi qu’on puisse dire ou penser, Rona Nishliu ne peut objectivement porter ce qualificatif en raison de la prestation donnée de « Suus », une chanson adepte du « tout ou rien », un titre mettant les cordes vocales et les tympans à rude épreuve, un morceau sans concession que l’on adore ou que l’on déteste. Pas de demi-mesure. Et la mesure des fans de cette chanson originale gagne haut la main, même s’il ne faut nullement négliger les eurofans sur lesquels « Suus » a occasionné des dommages auditifs irréversibles qui feront la joie des audioprothésistes.

En tête de file des détracteurs (et non pas des tracteurs) de l’albanaise, Alain Fontan avoue « ne pas comprendre cet engouement pour la chanson albanaise », interprétée par une Rona qui « hurlait comme une perdue », peut-être à cause de « sa robe plus que déstructurée ou de sa coiffure digne de la famille Addams ». Même son de cloche chez Etienne Sevrin qui n’a « pas compris la robe, pas compris la coiffure », ce « poulpe mort sur sa tête qui semble vouloir plonger dans son décolleté » qui a tant plu à Cyril Costesèque.

Frédéric Feder pour sa part n’a « toujours pas compris pourquoi elle a terminé si haut » car c’était « criard au possible », impression de cacophonie confirmée par Franck Sajet qui n’a vu qu’une « femme moche, mal coiffée qui hurle comme si elle avait mal aux dents ». Je plains son dentiste au moment de lui arracher une prémolaire…

Alors, comment se fait-il qu’une « chanson grotesque qui discrédite le concours » aux yeux de Patrice Péril ait terminé aussi haut ? C’est « l’énigme de ce concours » pour Gérald Maillary car « c’est en tout point horrible comme prestation », « ça crie, ça surjoue, bref ce n’est pas plaisant à écouter et énervant à regarder », ce qui est confirmé par Eric Lacroix qui voit dans la cinquième place albanaise une « hallucination » tant ses « tympans ont encore du mal à s’en remettre ». Bref, le « calvaire » de Michel Estades, « inaudible et incompréhensible » pour Emmanuel Augereau, ne serait en fait qu’une « belle arnaque ». « Et que l’on ne nous fasse pas croire que ça, c’est une artiste » tonne Emmanuel. Non, juste « une espèce de folle furieuse accumulant les fausses notes à force de pousser dans les aigus », à en croire Hugues Dietlin. Une Armande Altaï version albanaise ?

Refermant le chapitre fourni des anti-Rona, Patrice Di Giacomo se demande « comment aimer une fille qui hurle, mal coiffée, visage de sorcière avec trous sur le visage et se voûte comme Quasimodo ? ». Ses partisans vont nous l’expliquer.

L’adoration pour « Suus » commence doucement, on ne l’aime pas à la première écoute, à l’instar de Patrick Pecquery qui a « su l’écouter, l’apprécier et très bien la noter lors de la finale », de Vincent Valmard qui a « appris à l’apprécier » ou de Lisa Sebestyén qui n’était « pas fan de cette musique » mais qui a « eu des frissons » lors de l’écoute en demi-finale. Mais on a aussi les fans de la première heure, à l’image d’Olivier Dalloz, « hyper méga super content de son résultat », mais qui pourtant se demande « pourquoi elle a fait une fausse note ! ! ! » Parce qu’elle n’en a fait qu’une ?

Il y a aussi les conquis par surprise, tels Christophe Guillaumond pour qui ce fut « un vrai coup de cœur », Guy Barbarino qui a vécu « une véritable révélation » ou Franck Thomas qui salue « la bonne surprise » qui grâce à « l’habillage donné à son interprétation la rendait encore meilleure et portait mieux le message ». Mais quel message ? « Trop de cri tue le cri » croit se douter Charles-Olivier Pons, alors que Rudy Ponard suppute que « sa voix aurait pu servir d’alarme pour un camion de pompier », ce que confirme Francisco Roncero qui estime que « la chanson faisait mal aux oreilles ». Bref, « l’OVNI de la soirée » (l’expression est à mettre au crédit d’Alexandre Lemarquis), voire le « petit bijou » (c’est Stéfan Ducher qui le dit), que défendait « une poissonnière qui chantait » (le mot est de Joël Grabenstaetter), « donne la chair de poule » à Patrick Strouk qui salue « une prestation décoiffante, toute en simplicité ». Simple comme la coiffure de la dame, probablement…

La prestation albanaise est « assez bluffante par l’intonation et la portée de sa voix » constate Philippe Perrel, un « sacré coffre » qui a étonné Sylvie Sebestyén et qui « a fait frissonner toute la salle » de l’avis de Christophe Styns, impression frisquette soutenue par Cyril Second qui parle d’une « interprétation qui donne des frissons » et par Juan Lopez-Martinez qui indique que « les poils des ses bras se sont soulevés ».

« Vilaine et hurleuse » certes, comme le dit Jean-Pierre Perez, mais « du talent sans avoir besoin de montrer son cul » au service d’une « prestation à vous couper le souffle » à en croire Laurent Sebestyén. « Quoiqu’on en dise, résume Jean-Patrice Kiffer, il y a eu de l’émotion qui est passé de l’autre coté du téléviseur ». Et aussi une bonne dose de décibels…

En guise de conclusion, des pour, des contre… mais rien de « suus », pardon ! rien de personnel…