cocoricovision #96

cocoricovision #96

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Quand deux évènements historiques – et Eurovision – se produisent coup sur coup en France, on peut se retrouver pris au dépourvu. Le 8 novembre 2023, la révélation de l’identité du représentant français à l’Eurovision 2024 prend tout le monde de cours. Il s’agit de Slimane, un artiste majeur de la scène musicale française actuelle. C’est donc une évidence, le prochain Coco sera consacré à Slimane, un de mes artistes préférés d’ailleurs. Depuis sa reprise si personnelle de « À Fleur de Toi » lors de son audition à l’aveugle pendant The Voice, en passant par « Viens on s’aime », jusqu’à « La Recette », ses chansons m’ont bercé, réjoui, ému, consolé.
 
Et bing ! Deux semaines plus tard, la France remporte l’Eurovision Junior, pour la troisième fois en quatre ans, ce qu’aucun pays n’avait réussi à faire. Cerise sur le gâteau, c’était à Nice. Jamais la France n’avait gagné un Eurovision organisé chez elle. Il faut marquer le coup. Zoé Clauzure doit être la vedette du prochain Coco.
 
Depuis, mon cœur a balancé. Quelle couverture ? Zoé ou Slimane ? Ou Zoé et Slimane ? C’est finalement mi-février que je me suis décidé. Trois victoires quasiment à la suite, c’est exceptionnel et unique. Ce sera Zoé. Ayant eu le plaisir de couvrir le Concours Junior, j’avais la photo originale idéale pour la couverture du magazine numéro 96. Par ailleurs du côté de Slimane, depuis l’annonce du 8 novembre, il ne s’est pas passé grand chose.
 
On va donc attendre le prochain numéro 97 pour mettre Slimane en vedette dans Cocoricovision. On espère le croiser lors des pre-parties et on touche du bois pour qu’il nous accorde une interview, comme l’ont fait tous ses prédécesseurs depuis Anggun. L’annonce de sa sélection fera cependant l’objet de quelques pages dans cet opus.
 
Le choix de Slimane pour le Concours est un évènement majeur en France. Slimane c’est le top du top : deux millions d’albums vendus, deux milliards d’écoutes en streaming, cinq récompenses aux NRJ Music Awards, un prix d’honneur aux Victoires de la musique. Il est également la voix masculine de « VersuS », le projet qu’il a conçu en duo avec la chanteuse Vitaa. Bref c’est un poids lourd de la chanson française. Jamais un artiste aussi renommé n’avait défendu nos couleurs à l’Eurovision.
 
Lui au moins n’a pas peur de se frotter au Concours, quand la plupart des artistes français confirmés, installés et désormais embourgeoisés préfèrent se défiler et éviter l’aventure. Être célébré à Star Academy en reprenant un vieux tube en duo avec des artistes émergents est bien plus confortable, que d’être confronté à eux dans une compétition en défendant une chanson originale. Pourtant, il y avait en France dans les années 60 et 70, quelques compétitions musicales renommées dans lesquelles s’affrontaient des chanteurs connus et moins connus. Elles ont toutes disparu. Il ne reste que Les Victoires de la Musique, une compétition sans véritable enjeu, qui célèbre les succès de l’année écoulée et qui est finalement plus la conclusion d’un projet musical que son démarrage.
 
C’est assurément la raison pour laquelle un Festival de Sanremo a peu de chances de voir le jour en France. Pourtant, ne pas avoir brillé au célèbre festival italien n’a jamais porté préjudice à aucune star, et en Italie, il ne viendrait à l’idée de personne de juger un artiste et sa carrière sur une chanson très moyenne ou une prestation ratée sur la scène du Teatro Ariston de Sanremo. Là-bas, le festival est l’occasion pour les artistes, confirmés ou pas, de participer à une grande fête. C’est également l’assurance d’une formidable promotion, pour un nouvel album ou une version enrichie du dernier opus. En une semaine, de l’autre côté des Alpes, plus d’une vingtaine d’albums sortent ou sont réédités. Ils sont presque tous promis à une belle carrière tout au long de l’année.
 
L’Eurovision est-il un risque pour Slimane ? Pas vraiment. Si le résultat n’est pas à la hauteur de nos espérances, ça fera ricaner les grincheux et les rageux des réseaux sociaux, mais ça n’enlèvera rien à son talent et ne remettra pas en cause l’affection que lui porte le public français, qui l’apprécie pour sa voix, ses chansons, son authenticité et sa générosité.
 
L’Eurovision sera l’occasion pour Slimane de se faire connaitre à l’international. Son talent vocal est indiscutable. On perçoit également chez lui de la douceur et une certaine fragilité qui le rend d’ailleurs très attachant. Si on devait le comparer à un artiste étranger passé par le Concours, on s’accorderait sans doute sur l’Italien Marco Mengoni. Ce dernier a défendu, sur la scène de la Liverpool Arena l’an dernier, sa chanson « Due Vite », avec naturel, sensibilité, force et émotion, comme il l’avait fait avec « L’essenziale » sur la scène de la Malmö Arena dix ans plus tôt. Il ne trichait pas et le public comme les jurys l’ont bien perçu. Il n’a pas gagné, mais sa très honorable quatrième place obtenue à Liverpool comme la septième place décrochée à Malmö sont des succès. La tournée européenne qui a suivi fut triomphale. Marco Mengoni est sans doute l’exemple à suivre pour Slimane.
 
Savoir bien rebondir après l’Eurovision est essentiel. Chaque candidat doit être bien entouré et avoir son plan promo post-Concours bien ficelé : un nouveau single, un album, une tournée. Depuis dix ans, et le succès très médiatique de Conchita Wurst, la victoire à l’Eurovision a offert à pratiquement tous les gagnants d’énormes et durables opportunités artistiques, dans toute l’Europe – et parfois même au-delà – sauf pour Netta et peut-être Jamala.
 
Seule la France, arc-boutée sur son exception culturelle, faisait la fine bouche et ne réservait pas au lauréat toute l’attention qu’il méritait. Il a fallu attendre 2021 et le succès mondial de Måneskin pour que télévisions, radios et scènes françaises s’ouvrent au vainqueur de l’Eurovision. La popularité du quatuor italien auprès des jeunes n’a pas été pour rien dans ce changement d’attitude. Un pays peut afficher un élitisme prétentieux, bouder ce qui est populaire et considérer que qualité de sa production musicale l’emporte toujours sur celle des autres, il ne peut pas se couper de sa jeunesse et ignorer ce qu’elle écoute. C’est cette jeunesse qui a poussé nos médias à enfin s’intéresser à l’Eurovision, autrement que par le prisme du kitch et des paillettes.
 
Måneskin a ouvert la voie à Loreen. « Tatoo » a eu un succès beaucoup plus retentissant que « Euphoria » en son temps. En France, la chanson figurait en bonne place sur les playlists de nos radios. Son concert à l’Alhambra le 5 décembre dernier était complet en quelques heures. Elle a même reçu le prix de la « Révélation internationale de l’année » aux NRJ Music Awards, le 10 novembre 2023, où sa prestation fut remarquée et saluée. Ce prix accordé à une artiste qui menait depuis plus de dix ans une appréciable carrière internationale a d’ailleurs fait sourire beaucoup d’eurofans.
 
J’avais dans le précédent numéro beaucoup critiqué le fait que Loreen devait sa victoire aux jurys, oubliant un peu vite qu’elle avait aussi été classée seconde par les téléspectateurs. Ils ont aimé sa personnalité, sa voix et son style. Elle a su l’exploiter pour leur faire découvrir son univers. En témoigne le succès de son dernier single « Is It Love » sorti le 13 octobre 2023.
 
On ne peut pas en dire autant de Käärijä. Le Finlandais a eu du mal à surfer sur la vague de popularité de son « Cha Cha Cha » le soir du Concours et à percer au-delà de la Scandinavie, même s’il a été récompensé aux MTV Europe Music Awards dans la catégorie des « Best Nordic Act ». Ce n’est pas facile non plus de s’exporter quand on chante en finlandais avec un univers artistique qui n’est pas le plus facile d’accès pour le grand public. Après un duo avec Tommy Cash, « It’s Crazy It’s Party », sorti en septembre et interprété en anglais, il vient de se recentrer sur la scène scandinave avec « Ruoska » qu’il interprète en duo avec Erika Vikman. C’est clair, désormais Loreen et Käärijä ne boxent plus dans la même catégorie.
 
Au moment où ce Cocoricovision part chez l’imprimeur, il reste encore deux mois avant la grande finale. Les fans français se réjouiront certainement de se retrouver les 22, 23 et 24 mars prochains à Paris pour le grand week-end des Previews, avec la diffusion des deux demi-finales, une soirée dansante 100% Eurovision, la découverte de la finale qu’ils auront choisie et de belles surprises.
 

Farouk Vallette